Public speaking

 

Public speaking

Le rôle de l’animateur socioculturel est aussi et surtout un rôle de communicateur public. Dans les lignes qui suivent, nous prodiguons  quelques conseils en nous inspirant des règles de la rhétorique classique et des règles générales de la communication.

Le discours en public : logos, ethos, pathos

La rhétorique, dont le but est de persuader, met en relief trois opérations discursives: enseigner, plaire et toucher (docere, delectare et movere). L’efficacité et la perspicacité d’un bon orateur est de savoir conjuguer ensemble ces aspects en vue d’atteindre le but de son exposé. Il doit enseigner, c’est-à-dire informer (raconter, narrer) et argumenter en se servant des preuves objectives (arguments extrinsèques). Pour déclencher le passage à l’acte, l’orateur devra fournir à l’auditoire des indices de vérité du genre : « ayez confiance en moi », de manière à garantir sa crédibilité et sa notoriété pour ce qu’il est appelé à soutenir ou à défendre. Des stimuli de nature émotionnelle, qui font partie (ensemble avec l’ethos) des preuves subjectives (arguments intrinsèques), constituent ce qu’il sied d’appeler argumentation subjective et exercent une sorte  de pression pathétique au même moment qu’elles orientent l’adhésion de l’auditeur.…

En préparant une intervention, un orateur, se concentre clairement sur un contenu qu’il voudrait transmettre. Il est troublant de savoir qu’à tous ces efforts concentrés à plus de 80% d’intensité, on peut récolter seulement 7% des résultats. En d’autres termes, ce que les gens comprennent d’un discours (100%), 7% seulement proviennent du contenu en tant que tel. Les 93% de l’efficacité de la communication proviendront de comment on parle, comment on bouge, comment on regarde… Cette efficacité vient aussi de « qui on est », c’est-à-dire du background qu’on traîne derrière soi et enfin des états d’âme qu’on réussit à transmettre.…

En se reportant à la rhétorique ancienne, saurait-on cependant mettre ses trois éléments au même niveau d’importance ? Quel serait l’axe le plus important de la rhétorique entre le logos, l’ethos et le pathos? La réponse à ces questions n’est pas d’une évidence facile. D’emblée, il nous vient d’affirmer que tous ces trois axes sont importants pour persuader l’auditoire. Le logos est le nœud, le contenu (du point de vue logique) du discours. Il a toute son importance en tant que matière et exposé des motifs, du raisonnement qui explique, affirment, soutient, nie, corrige, défend… Pour persuader, un discours doit surtout s'adresser à la raison de l'auditoire. C'est là qu'interviennent les arguments rationnels.

En effet, les actions linguistiques s’accomplissent à travers l’usage de plusieurs éléments. Le premier est la locutio, qui se réfère aux sons et à leur signification ; le second élément est l’illocutio qui est lié au fait que celui qui parle choisit les mots pour exprimer une intention ; le troisième est la perlocutio qui évoque les effets que l’acte linguistique peut obtenir. Austin a concentré son attention sur l’acte illocutoire et en fonction de cela il a classé les verbes en cinq catégories : les verbes « verdictifs » (qui reportent un jugement), les verbes « exercitifs » (qui renvoient a l’exercice du pouvoir, des droits ou de l’influence), les verbes « promissifs » (qui renvoient aux obligations et intentions futures), les verbes « comportatifs » (verbes lies au comportement et rituels sociaux), les verbes « expositifs »(Verbes liés aux expositions de propres raisons et de propres arguments).  Somme toute, les interactions sont une zone ou un réseau d’influences mutuelles où chaque mot a le but de provoquer un changement. Pour reprendre les termes de Patrick Charaudeau, tout acte de langage émane d’un sujet qui gère sa relation à l’autre (principe d’altérité) de façon à l’influencer (principe d’influence) tout en devant gérer une relation dans laquelle le partenaire a son propre projet d’influence (principe de régulation).…

Savoir inférer les émotions

La rhétorique ancienne comme la nouvelle attachent surement une grande importance au pathos, à la production et à l’inférence des émotions chez l’auditeur.

Sous la rubrique « affektischefiguren » (figures de l’affect), Lausberg rassemble sept figures d’émotion qui sont : Exclamatio, evidentia, sermocinatio, fictiopersonæ, expolitio, similitudo, aversio.[1] Ces « figures de l’affect » sont des instruments destinés à susciter de l’émotion chez l’interlocuteur. On peut les appeler principes générateurs d’émotions. Le même auteur énumère, sous forme de règles, trois types de moyens pour provoquer l’émotion.

  1. Règles d’affichages des affects :

La première règle est : « Montrez-vous ému !» : L’orateur doit se mettre lui-même dans l’état émotionnel qu’il souhaite transmettre. Il doit produire en lui-même les « phantasiai » qui soutiendront son émotion. Ceci revient à dire que l’orateur doit se mettre en empathie avec son public. Il doit ressentir, simuler pour stimuler. A ce sujet, Quintilien disait :

Quant aux figures qui sont le mieux adaptées pour faire croître l'émotion, elles consistent surtout dans la simulation. Car nous feignons la colère, et la joie, et la crainte, et le chagrin, et l'indignation et le désir, et d'autres sentiments semblables.

L’exclamation, l’interjection, l’interrogation … sont autant de figures qui authentifient l’émotion du sujet parlant.

La seconde règle d’affichage des affects est : « Montrez des gens affectés » : C’est la meilleure façon de faire contaminer les émotions et les sentiments que de montrer à son auditoire les sentiments traduits en acte par des personnes.

  1. Les règles sur la présentation et la représentation :

  •  « Montrez des objets » ! (Signa). (Le poignard de l’assassin, la poupée de la petite fille, la plaie du blessé, le cadavre défiguré…) ;

  •  « Montrez des peintures » ! (peintures d’objets ou scènes émouvantes) ;

  •  « Montrez de l’émotion » ! (Montrez les larmes de la mère de la petite fille violée et assassinée, la joie des vainqueurs, la déception des vaincus …).

  1. Règles sur la mimesis émotionnelle :

Il s’agit ici de présentation, de la description ou de l’amplification et de la règle de la dramatisation.

  • « Décrivez les choses émouvantes ! ». A défaut de montrer certaines choses, on devra utiliser les moyens cognitifs-linguistiques. Il faut non seulement décrire, mais aussi amplifier ces données émouvantes.

Il faut « utiliser un langage qui tend à exaspérer les faits indignes, cruels, odieux ».

  • « Rendez émouvantes les choses indifférentes » ! C’est ce qu’on appelle le procédé de la « deinosis ».

Car, bien que certaines choses paraissent graves en elles-mêmes, telles le parricide, le meurtre, l'empoisonnement, il en est d'autres aussi que l'orateur doit faire paraître telles.

Ungerer propose quant à lui une théorie des inducteurs (déclencheurs) d’émotion dans des textes journalistiques. Selon cette analyse, les émotions du lecteur sont déclenchées en relation à trois principes d’inférence émotionnelle (principles of emotionalinferencing).

Le discours oratoire

En résumé

Rappel: Logos, Pathos, Ethos sont les 3 éléments de la rhétorique classique.

Tout orateur, en prenant la parole en public, doit enseigner (docere), mouvoir (movere) et plaire (delectare).

docere et probare, càd informer et convaincre

delectare, captiver l’attention avec un discours vivant et non ennuyeux

movere, emouvoir le public pour faire en sorte qu’ils adhèrent à la thèse de l’orateur. 

Marco Tullio Cicerone distingue 5 phases du discours:

  • Inventio

  • Dispositio o Collocatio

  • Elocutio

  • Memoria

  • Actio – Pronuntiatio

  • Inventio (invention) : du grec èuresis, recherche. Il s’agit de la recherche des idées pour souvenir la thèse préfixée.   Ici on cible les contenus du discours et on les délimite. Il s’agit de choisir le thème (signification, sens) et on développe les arguments, en recherchant les points d’appui et en se documentant sur le sujet ou sur les faits.

  • Dispositio (disposition) ou collocatio (emplacement),  du greco taxis, disposition. Il s’agit d’organiser les arguments et les ornements du discours. C’est le moment de mettre en ordre. En particulier il s’agit de préparer :

  • exordium (l'esorde), c’est-à-dire la présentation de l’objet du discours. A ce niveau, il est important l’utilisation des effets spéciaux, pour frapper l’auditoire avec une affirmation qui a impact. La première phrase ou la première expression a une importance fondamentale. Ici l’orateur doit plaire et mouvoir (delectare e movere).

  • narratio (la narration), càd l’énoncé des faits; Ici l’orateur doit enseigner (docere).

  • argumentatio o demonstratio (l'argumentation ou démonstration), càd la référence aux faits à peine mentionnés comme support à la thèse de fond. Argumentations, preuves, réfutation et confirmation… caractérisent cette phase.

  • peroratio (péroraison), càd la conclusion, à travers laquelle l’orateur s’adresse à l’oratoire pour l’inviter à faire sienne sa thèse et l’inviter à l’action. En cette phase on fait recours à l’émotivité du public, on cherche d’atteindre les coeurs. C’est l’épilogue du discours où on cherche à mouvoir le plus les auditeurs du point de vue affectif en développant le pathos.

Le début et la fin du discours sont les deux moments les plus importants du discours. Les meilleures cartes, les meilleures trouvailles doivent être réservées pour ces deux moments.

  • Elocutio (style), du grec lexis, langage. Il s’agit de l’expression stylistique des idées avec le choix du lexique approprié. ): la recherche des mots appropriés, efficaces, et des autres artifices de la rhétorique, comme par exemple les métaphores. Il s’agit du style et de la forme à donner à son discours.

  • Memoria (mémorisation): Il faut répéter le discours jusqu’à sa parfaite maitrise avec assurance. Il faut bien se rappeler les mots clés, les thèses principales et aussi la position de l’adversaire pour bien l’attaquer.

  • Pronuntiatio (proclamation) e actio (exposition):  C’est le moment de pronunce son discours. A ce niveau il faut savoir bien pronunce e, bien articuler et savoir accompagner les paroles avec des gestes  adéquats, moduler la voix ...

Les trois genres rhétoriques

La rhétorique classique distingue trois grands genres de discours: le discours judiciaire, le discours délibératif et le discours démonstratif.

Le genre judiciaire

Le genre judiciaire renvoie à un discours dont la fonction est d'accuser ou défendre.

Le genre délibératif

Le genre délibératif renvoie à un discours dont la fonction est de persuader ou de dissuader.

Le genre démonstratif (ou épidictique)

Le genre démonstratif renvoie à un discours dont la fonction est de louerblâmer, ou plus généralement d'instruire. Il est parfois aussi appelé genre épidictique.

Focus sur l’exorde et la péroraison

·Exorde

a) Captiver l’attention 

b) Etablir une relation entre le speaker et l’auditoire

c) Orienter le public 

·Péroraison (Conclusion)

  1. Synthèse 

  2. Motiver le public à l’action 

Quelques conseils pratiques

Présentation 

Prononciation 

Communication non verbale 

Savoir lire l’auditoire 

Signes de fatigue 

Comment gérer un public fatigué?

Comment gérer la Q and A session

Critique du discours 

Loi de 5 

Forme et contenu 

Posture et mouvement 

Contact oculaire

Ancres 

Volume et ton 

Rythme verbal 

Nervosisme

Rompre le silence 

Gérer les questions et les objections 

Les qualités d’un bon orateur

Les 10 ingrédients d’un bon discours


[1]LAUSBERG (1960 : § 808-851), cité par Plantin, Christian, « Un lieu pour les figures dans la théorie de l’argumentation », Argumentation et Analyse du Discours, 2009, mis en ligne le 01 avril 2009, Consulté le 05 août 2015. URL : http://aad.revues.org/2015.

[2] Ungerer, F. (1995), “Emotions and emotional language in English and German news stories”, colloque The language of emotions, Duisbourg ; à paraître in S.

Niemeyer &Dirven (eds), The language of emotion, cité Jean Marc Colletta et Anna Tcherkassof,  Les émotions, cognition, langage et développement, Mardaga, Sprimont 2003, pp. 120-121.

Date de dernière mise à jour : 19/04/2017